À St-Pétersbourg, un dédale de tunnels, de caves,
d’entrepôts et d’aires de service serpente sur 20 kilomètres sous les cinq
bâtiments du musée de l’Ermitage. Une colonie de chats vit dans ces lieux
librement, et y traque les rats, préservant ainsi un inestimable trésor. Car si
le plus grand musée du monde expose quelque 65 000 œuvres d’art dans son
millier de salles, 2.7 millions d’autres pièces reposent dans ses réserves,
dans le secret de ses profondeurs.
Les premiers chats sont arrivés ici il y a 270 ans. En 1745,
Élisabeth 1ere de Russie, qui craignait les souris, décida d’installer des
félins dans sa résidence. Mais c’est sous le règne de Catherine II que ces
carnassiers acquirent leur statut officiel de « gardes impériaux ». On distinguait alors les « chats de
chambre », des bleus russes qui servaient d’animaux de compagnie, et les
« chats d’arrière-cour », qui empêchaient les rats d’endommager les
toiles. Leurs descendants ont survécu à
la Révolution de 1917 et ont continué leur travail durant l’ère soviétique.
De nos jours, ils surgissent de tous les recoins des
galeries voûtées. Ils se prélassent sur des coussins, se perchent sur les
conduites de ventilation et les canalisations d’eau chaude. D’autres encore
déambulent entre des meubles remisés ou les rampes des escaliers. Toutes les
portes sont percées d’un trou pour qu’ils puissent circuler.
Comme toute colonie de félins, celle-ci est très
hiérarchisée, si bien que les employés du musée l’ont divisée, avec humour, en
trois catégories : les « aristocrates », la « classe
moyenne » et la « basse caste ». Tous, cependant, finissent en
toute égalité dans le cimetière qui leur est réservé dans l’une des cours du
musée.
Ils ont leur propre clinique vétérinaire installée sous le
Théâtre de l’Ermitage. Les employés et les bénévoles les soignent, leur procurent
eau et nourriture et les toilettent.
Chacun des chats de
l’Ermitage est répertorié et dispose d’une carte d’identité avec sa photo !
Les 2 500 salariés de
l’institution connaissent les noms de tous les félins. Ces chats sont
considérés comme des employés à part entière.
Le musée n’alloue aucun budget à l’entretien des félins. Son
financement dépend des dons du public, des employés et des habitants de la
ville. Ils ont aussi deux importants mécènes, l’association allemande Pro
Animale, et la société française Royal Canin.
Les beaux jours venus, on peut voir certains félins flâner
sur les pelouses des cours intérieures, où prendre le soleil devant l’autre
façade de l’Ermitage qui se déploie sur un côté de l’immense place du Palais.
C’est pourquoi des panneaux de signalisation ornés d’une silhouette de chat se
dressent aux alentours à l’intention des automobilistes.
En réalité, les chats de l’Ermitage n’attrapent plus aucun
rat ni souris depuis longtemps. Leur seule présence suffit à dissuader les
rongeurs. Mais les matous sont si populaires parmi les 3 millions de visiteurs
annuels qu’ils sont devenus des icônes, les mascottes du musée.
Source :
Geo extra, Le chat, fév,mars,avril 2016, pp
49-57.